Baztán, 1 Le gardien invisible (2013) by Redondo Dolores

Auteur:Redondo, Dolores [Redondo, Dolores]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Stock
Publié: 2013-03-20T00:00:00+00:00

Rosario se posta dans l’encadrement de la porte de la petite salle et regarda fixement son mari, qui souriait, absorbé par le sport à la télé. Elle ne dit rien, mais le halètement qu’avait entraîné la course agitait sa poitrine de façon alarmante.

– Rosario, fit-il, surpris. Que se passe-t-il ? Tu ne te sens pas bien ?

– C’est Amaia, il est arrivé quelque chose…, répondit-elle.

En pyjama sous son peignoir, il courut à travers les rues qui séparaient la maison de la fabrique. Il sentait ses poumons brûler et un point de côté menaçait de lui couper la respiration, sous l’influence maléfique du terrible pressentiment qui le tenaillait. La certitude de ce qu’il savait déjà se répandait comme de l’encre en lui, et seule une ferme volonté de ne pas l’accepter le poussa à s’obstiner dans sa course et dans son imploration désespérée, qui était prière et exigence à la fois. « Mon Dieu, mon Dieu. »

Juan remarqua qu’il n’y avait pas de lumière dans la fabrique. Si elle avait été allumée, on l’aurait vue de l’extérieur à travers les interstices des contre-fenêtres et par l’étroit soupirail proche du toit, qui restait toujours ouvert, hiver comme été.

Après l’avoir rejoint, sortit la clé de sa poche et ouvrit la porte.

– Mais, Amaia est là ?

– Oui.

– Et pourquoi est-elle dans le noir ?

Sa femme se tut. Ils pénétrèrent à l’intérieur et après avoir refermé la porte, Rosario appuya sur l’interrupteur. Pendant quelques secondes, il ne put rien distinguer. Il battit des paupières, força ses yeux à s’habituer à la lumière intense pendant que son regard cherchait frénétiquement la petite.

– Où est-elle ?

Rosario ne disait toujours rien. Le dos appuyé contre la porte, elle regardait quelque chose du coin de l’œil. Sur son visage se dessinait une parodie de sourire.

– Amaia ! appela son père, angoissé. Amaia !

Il se retourna, interrogeant sa femme du regard, et l’expression de son visage le fit pâlir. Il s’avança vers elle.

– Oh, mon Dieu, Rosario, que lui as-tu fait ?

Un pas encore et il découvrit la flaque glissante à ses pieds. Il regarda le sang, qui commençait à prendre un ton brunâtre, et, horrifié, leva de nouveau la tête vers son épouse.

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